Comment évolue le marché de l'immobilier?

Interview avec Lex Fischbach : trouver la perle rare, un défi

Un marché de l’emploi dynamique, une terre d’immigration par excellence et une croissance démographique exceptionnelle. Ces éléments caractéristiques du Luxembourg ont forcément des répercussions sur le marché de l’immobilier, sous tension constante. À cela s’ajoutent de nouvelles tendances sociodémographiques qui viennent alourdir la demande en logements. Comment s’y retrouver ? Le point avec Lex Fischbach de la société FISCHBACH Realtors & Developers.

Etat des lieux du marché immobilier au Luxembourg 

Monsieur Fischbach, comment se porte le marché de l’immobilier ?
Il se porte assez bien. Les ventes se font, la demande est élevée et les clients se montrent par conséquent très réactifs.

Vous êtes dans le métier depuis de nombreuses années, quelles ont été les périodes charnières selon vous ?
Je préfère, ici, me prononcer que sur les 10 dernières années parce que les années avant font partie d’un passé déjà lointain, et me semblent donc moins intéressantes par rapport à la situation actuelle. Ces dernières années, nous avons été victimes de la crise économique de 2008. Cette année-là représente une date charnière décisive pour le marché immobilier luxembourgeois. L’acquéreur est devenu plus prudent, plus sélectif et plus hésitant. Par conséquent, nous avons dû réagir et changer nos approches commerciales, c’est-à-dire en reconsidérant le secteur géographique où il était bon d’investir dans des terrains à bâtir, en redéfinissant les tailles des appartements et des maisons, en proposant d’autres surfaces de terrain. Depuis 2006, donc juste avant la crise, j’ai pu constater une baisse de notre chiffre d’affaires uniquement sur les années 2008 et 2010. Depuis 2010, on enregistre de nouveau une légère croissance, régulière et constante.

J’imagine que cette tendance est très relative et dépend des biens à vendre ?
Effectivement. Si nous proposons des résidences situées sur le territoire de la ville de Luxembourg, nous aurons une très forte demande, plus forte que sur toute autre commune. Et même là, il y a des quartiers plus prisés que d’autres… En général, la demande est plus importante dans les grandes agglomérations. On a vu récemment une résidence entière de 8 unités se faire réserver en une seule journée. Cette réactivité ne nous a pas surpris. En somme, le choix du client est guidé par la situation du bien proposé, la qualité de la construction et de l’exécution, l’architecture, la renommée du promoteur et du constructeur, le professionnalisme de l’agent traitant et par le prix.

La concurrence est-elle stimulante ? Ou au contraire, un vrai problème ?
Depuis plusieurs années, nous constatons une croissance accrue de la concurrence dans l’activité. L’arrivée de jeunes gens très ingénieux, honnêtes et transparents dans leur façon de procéder est très motivante et bénéfique au marché. Évidemment comme partout, il y a des moutons noirs dont il faut réellement se méfier. Leur formation initiale n’est pas assurée par les bonnes personnes et leur intention primaire est « l’argent rapide ». Or, dans l’immobilier et contrairement à l’image perçue, il n’y a pas « d’argent rapide » à gagner… Ce métier s’exerce à travers une expérience acquise pendant plusieurs années, une gestion sérieuse, mais aussi à travers un bon relationnel. Le temps de la négociation pour l’acquisition d’un terrain jusqu’à sa viabilisation est très long et onéreux. Une longue présence sur le marché est un avantage de poids, mais surtout une bonne trésorerie et une transparence des intentions ciblées sont les clés du succès. La vente, c’est une chose, mais, sans un achat, il n’y a pas de vente.

Quels acheteurs pour quels types de logement?

Parvenez-vous encore à proposer des biens d’exception à votre clientèle ?
Pendant de nombreuses années, nous avions beaucoup de demandes de personnes fortunées étrangères qui souhaitaient s’installer au Luxembourg pour diverses raisons et cherchaient des objets d’exception. Toutefois, on n’était pas en mesure de leur offrir le « Château en Ville » puisqu’on n’en avait pas. Par ailleurs, il existe toujours de belles villas avec plusieurs hectares, des demeures impressionnantes de plus de 300 m2, à rénover ou pas, qui sont mises sur le marché.

Aujourd’hui, construit-on plus de logements réservés à une élite ou les familles modestes peuvent-elles encore prétendre accéder à la propriété ?
Nous construisons des résidences et des maisons de qualité accessibles à tout le monde sur l’ensemble du territoire du Grand-Duché de Luxembourg : appartements et maisons de différentes surfaces répondant à divers besoins. Mais tout a son prix. Un service de « qualité » coûte. Ceux qui vendent à bon marché, non seulement, ne se vouent pas à une longue carrière, mais le client prend de gros risques en acceptant ce genre de marché. Le client doit rester vigilant face aux arguments de certains acteurs peu scrupuleux sur le marché. Bien construire à bas prix relève de l’impossible.

Est-ce que l’acheteur a changé au fil des années ?
Absolument. Il est de mieux en mieux informé et plus exigeant. Les prix sont élevés donc il a peur d’investir dans un bien qui ne serait pas fiable. Le métier d’agent immobilier a plutôt une connotation négative. Il faut avoir les moyens de rassurer le client. Les demandes sont tellement importantes que notre maison-mère, le Groupe Arend & Fischbach, a mis au point un système de réservation qui permet à nos clients d’émettre une réservation sur une offre pour lui permettre un temps de réflexion. La hausse des prix au m2 est moins importante depuis 2008, mais il nous importe de considérer le budget de chacun pour être à même de proposer des biens qui répondent aux exigences et besoins de nos clients.
Enfin, le profil d’un acheteur dans l’existant est différent de celui dans la future construction. Il peut visiter le bien et prendre conscience des travaux à prévoir, soit réaliser un estimatif réel du budget final. Pour du neuf, -qui concerne ici le programme proposé par le Groupe Arend & Fischbach- le client n’est pas aussi pressé de trouver et est prêt à attendre jusqu’à deux ans avant d’être « livré ». Il se fie aux plans, au cahier des charges et au promoteur. Aussi faut-il distinguer entre ces deux types d’acheteurs, d’une part celui qui achète pour son propre besoin et d’autre part celui qui investit pour toucher un rendement locatif. Enfin il y a l’acquéreur de logements proposant des services de soins aux personnes âgées.

Quel avenir pour l'immobilier au Luxembourg ?

Comment envisagez-vous l’avenir ?
Il ne faut pas oublier que le Luxembourg est une place minuscule comparée à la taille de l’Europe et du monde entier. Certains analystes en économie nous préviennent que ce que l’on a vécu en 2008 n’était que la partie visible de l’iceberg. Soyons honnêtes avec nous-mêmes. Même si cette Place – par sa taille et sa situation géographique – est très favorable au marché immobilier, il est nécessaire de rester vigilant face aux changements de politique de l’UE : il s’agit de pouvoir réagir en fonction. D’un autre côté, et ce, plus concrètement, nous avons du pain sur la planche pour les années à venir. Des projets sont en voie d’autorisation et d’autres seront proposés. Celui qui évoluera avec sincérité, sérieux et transparence aura une place bien méritée parmi les acteurs du marché de l’immobilier luxembourgeois.
 
 
Emilie DI VINCENZO