Malgré une année 2020 marquée par la crise, l’immobilier luxembourgeois a fait mieux que limiter la casse, surtout dans le résidentiel. Mais les transformations à l’œuvre au sein de la société vont confronter le secteur à de nombreux défis, notamment liés à nos nouvelles façons de travailler.
La crise sanitaire que nous traversons depuis le début de l’année 2020 a eu des conséquences sur l’ensemble des secteurs. L’immobilier, dont l’activité est entièrement dépendante de la façon dont se porte l’économie dans son ensemble, a donc également été impacté. Au Luxembourg, l’effet a été à la fois positif et négatif.
En effet, en ce qui concerne l’immobilier résidentiel, le pays a, à nouveau, battu des records en 2020. Le déséquilibre toujours plus important entre offre et demande, ainsi que l’appétit grandissant des résidents luxembourgeois – lié à la crise – pour des biens disposant d’un espace extérieur, ont fait bondir les prix de 14,5 % en l’espace d’un an (et même de 16,7% entre les 4e trimestre 2019 et 2020) ! Selon le Statec, qui publie ces chiffres annuellement, ce résultat est d’autant plus remarquable que le nombre de transactions a diminué de 6,3 %, en raison de la pandémie et des confinements.
Le tableau n’est pas aussi rose en ce qui concerne l’immobilier de bureau. La crise sanitaire a en effet rebattu de nombreuses cartes que l’on croyait jouées depuis longtemps : le travail en présentiel a notamment été remplacé illico presto par le télétravail. Les acteurs majeurs de l’immobilier au Luxembourg ont été contraints de le confirmer lors de la publication de leurs chiffres annuels : les prises en occupation de bureaux sont bien moins nombreuses en 2020 que l’année précédente, alors que les loyers sont, quant à eux, restés stables.
Chiffres immobilier commercial (source : JLL)
Mais c’est surtout en ce qui concerne l’immobilier commercial que le constat est le plus alarmant. Il faut dire que les habitudes commerciales ont été bousculées lors de la crise, avec une explosion du nombre d’achats en ligne. Résultat : les transactions immobilières commerciales ont chuté de 77 % en 2020, même si ce chiffre doit être remis en perspective avec le fait que l’année 2019 avait été exceptionnelle. Les fermetures forcées de nombreux commerces et l’incertitude sur leur réouverture ont conduit de nombreux commerçants et investisseurs à freiner des quatre fers avant de lancer un nouveau projet commercial. La vacance commerciale a grimpé à 7,4 %, même si elle reste inférieure à celle que l’on connaît dans la plupart des grandes villes européennes (10 % environ). Logiquement, les seuls acteurs à tirer leur épingle du jeu sont ceux de la grande distribution, qui sont restés actifs sur le marché en 2020.
Ces différents constats ne sont pas uniquement imputables à la crise du coronavirus, mais celle-ci a sans doute accentué certaines situations qui avaient déjà commencé à se gâter auparavant.
C’est le cas pour l’immobilier résidentiel, où la volonté des résidents de trouver des logements plus grands, avec un terrain, s’est considérablement développée au cours des derniers mois. L’offre était toutefois déjà beaucoup trop réduite avant cette crise et les prix connaissaient déjà une courbe ascendante. Pour les acteurs de l’immobilier, mais aussi pour les pouvoirs publics, le défi est désormais, tout simplement, de parvenir à loger toutes les personnes qui souhaitent vivre au Luxembourg, dans les conditions qu’elles demandent. Parmi les pistes de solutions notamment évoquées par Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière du Grand-Duché de Luxembourg, on trouve une refonte des règles urbanistiques ou encore un développement de l’offre en coliving, qui convient à un public plus jeune et de passage à Luxembourg (lire notre encart).
Les bureaux, eux, devront s’adapter à un travail qui se fera demain en partie à distance, en partie sur place. Plus petits, favorisant les interactions, et mieux situés pour éviter aux collaborateurs les embouteillages, les bureaux de demain ne ressembleront plus beaucoup aux gigantesques complexes en centre-ville que l’on connaît aujourd’hui. Quant aux commerces, ils devront réfléchir à ce qui fait la plus-value de l’expérience physique qu’ils proposent, sans quoi les clients ne leur reviendront peut-être pas. Demain, le tissu commercial devrait être plus diversifié, donnant plus de place aux loisirs ou au sport.
Tous ces défis doivent évidemment être pris en compte par les professionnels de l’immobilier amenés à conseiller leurs clients sur les meilleurs investissements à consentir en vue des prochaines années. Dans un monde en mouvement, qui évolue de plus en plus vite, cette tâche est loin d’être aisée…
Fort heureusement, de nombreux investisseurs ou commerçants se montrent particulièrement créatifs lorsque la crise frappe à leur porte. C’est ainsi que de nouvelles tendances émergent naturellement au sein de l’écosystème immobilier luxembourgeois. Parmi celles-ci, le coliving fait de plus en plus parler de lui. De quoi s’agit-il ? La formule pourrait faire penser à ce que de nombreux étudiants ont pu connaître au cours de leurs études : un immeuble, composé d’espaces privatifs (chambre, salle de bain, etc.) mais aussi d’espaces communs, dans lequel plusieurs personnes vivent ensemble. Porté à un certain niveau de standing, ce concept séduit énormément de jeunes travailleurs qui viennent à Luxembourg pour quelques mois ou années, souvent depuis l’étranger, et qui peuvent ainsi mieux s’intégrer dans le pays. Au Grand-Duché, des structures comme Cocoonut ou Flexiroom proposent déjà des espaces de coliving, et l’offre va sans doute aller croissant. Pour faire face à la crise, les commerçants ont quant à eux de plus en plus souvent recours à la formule du pop-up store : moins coûteux qu’une location, il permet de tester son concept avant de se lancer définitivement. Ces boutiques d’un nouveau genre pourraient elles aussi pulluler à Luxembourg au cours des prochains mois.