La Ville de Luxembourg et l'accès à la propriété

Détendre un marché de l’immobilier qui induit une constante inflation des prix, favoriser la mixité sociale et une véritable solidarité entre voisins… Autant de raisons qui incitent les élus de la capitale du Grand-Duché à multiplier les initiatives pour favoriser l’accès à la propriété. Un volontarisme qui l’amène à mobiliser ses partenaires.

Alors que la population de Luxembourg-ville a bondi de plus de 40 % depuis le début du siècle (passant de 80 670 habitants en 2000 à plus de 115.000 en 2017), les autorités de la capitale ont décidé d’engager une politique particulièrement volontariste pour favoriser l’accès à la propriété.
Tant il est vrai que la capitale du Grand-Duché ne manque pas d’attraits et attire de fait des « candidats » de plus en plus nombreux désireux de profiter d’une qualité de vie élevée. En effet, bien que restée une cité à taille humaine, Luxembourg-ville est un exemple de dynamisme, de propreté, de sécurité. Capitale internationale et multiculturelle, animée sur les plans culturel et sportif, elle multiplie les atouts.
Avec un revers toutefois : le marché immobilier est logiquement tendu, et les prix de vente sont toujours plus élevés. C’est pourquoi plusieurs leviers ont été actionnés.

Les groupements d’habitats participatifs

Une des formules initiées est la création de groupements d’habitats participatifs, un concept qui a déjà séduit des pays voisins. Il s’agit de favoriser le rassemblement de particuliers et de les associer à la définition, à la conception et à la construction de leur futur immeuble avant le moment venu d’en assurer la gestion… La Ville de Luxembourg a ainsi mis à disposition deux parcelles lui appartenant : 8 à 9 logements pourront ainsi être bâtis boulevard Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte à Belair, et 5 à 6 logements rue Edouard Grenier à Bonnevoie. Le processus de sélection des « candidats » a été lancé avant l’été. Deux formules sont suggérées pour chaque groupement : une acquisition pure et simple ou une emphytéose sur 99 ans. Précision juridique : le locataire dans ce cas bénéficie de droits quasi similaires à ceux d’un propriétaire « classique » et il est prioritaire en cas d’acquisition.
La Ville espère ainsi d’une part une plus grande implication des futurs occupants dans le projet, dès la conception et la construction (leur avis est pris en compte dans le choix des matériaux, par exemple, ou l’agencement des espaces communs), formant de fait une véritable communauté de vie, et d’autre part, des prix tirés à la baisse (de l’ordre de moins 15 à 20 % en général, grâce à l’absence de frais d’agence ou de promoteur…)

Des logements à « coûts modérés »

L’autre volet de la politique de l’administration communale s’appuie sur la loi de 2004, selon laquelle « les promoteurs s’engagent à réserver, dans chaque plan d’aménagement particulier supérieur à 1 hectare, 10 % de logements à coût modéré ». Sachant bien sûr que les candidats à l’acquisition de ces logements, précisément, doivent répondre « aux conditions d’octroi des primes de construction ou d’acquisition » prévues par le législateur.
Dans plusieurs cas, ces dernières années, la Ville a actionné ces leviers sous des formes différentes.
Rue de Mühlenbach, elle a exercé son droit de préemption sur quatre logements à coût modéré que le promoteur n’avait pas vendus dans une résidence neuve et bien située, puis les a revendus. Outre les conditions prévues par la loi, les autorités ont fixé d’autres critères pour sélectionner les candidats, comme leur lieu de travail. L’opération a débuté en décembre 2016.
Dans un autre projet d’envergure, Baulücken, le modus operandi fut radicalement différent. Non seulement la Ville souhaitait des logements à prix bas, mais également encourager la mixité sociale dans les quartiers concernés. La Ville a chargé des promoteurs-constructeurs (privés) de la vente de différents terrains soigneusement sélectionnés sur base d’un droit d’emphytéose, ce qui lui a permis de rester propriétaire des terrains et surtout de sélectionner les futurs acquéreurs. Une première phase (2010) a abouti à la vente de 75 logements à des prix abordables. Une seconde phase (2014-2015) a conclu à la vente de 88 logements. Une troisième phase enfin a débuté et s’achèvera en 2018 pour un total de 66 logements (35 destinés à la vente, 31 destinés à la location).

Un pari réussi


On mentionnera enfin, sur un mode opératoire proche, l’opération initiée rue des Lilas et rue de la Lavande pour la construction puis la vente de 25 maisons. La ville a cédé les terrains à la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM) sous forme d’un droit d’emphytéose pour 99 ans, qui ont été cédés aux acquéreurs sous la même forme. Construites par la SNHBM, les maisons sont de type basse consommation, et 95 % des acquéreurs (de différentes nationalités) ont bénéficié de primes de construction de l’État. Les logements ont été livrés en décembre 2015.
En liaison parfois avec des partenaires publics (État, bailleur social) ou privés (promoteurs), la Ville de Luxembourg se donne les moyens politiques, financiers et juridiques de réussir son défi, qui se traduit par l’accès à la propriété de logements de bon standing et de plus de 100 m² pour un prix de moins de 500 000 euros à des foyers qui, sans cela, auraient dû renoncer à ce rêve...