Le marché de l'immobilier au Luxembourg: état des lieux

Après une année 2023 d’anthologie, car des plus complexes, pour le secteur de l’immobilier luxembourgeois, il semblerait que 2024 puisse s’envisager sous de meilleurs auspices. Suspendu au bon vouloir de la BCE et de la possible réduction des taux d’intérêts à l’orée de l’été 2024, le marché immobilier a connu un certain flottement en début d’année, pour finalement commencer à faire état de signes encourageants. Julien Licheron, chercheur au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), aide Wortimmo à faire le point sur le marché de l’immobilier au Luxembourg.

« Le Grand-Duché n’avait pas connu une crise d’une telle importance depuis longtemps. En comparaison, la crise de 2009 avait provoqué une chute de l’ordre de 5% au total, et les prix étaient très vite revenus à la normale, dès le deuxième trimestre après la crise. En 2023, c’est totalement différent, parce qu’on a évidemment un choc des taux, qui a provoqué une chute vertigineuse du pouvoir d’achat. Le chiffre évoqué est une baisse de la capacité d’achat des ménages de 25 à 30% », explique en préambule Julien Licheron.

 

  1. L’offre et la demande

 

Avec près de 12.000 nouveaux arrivants depuis une quinzaine d’années, le Luxembourg se caractérise par un solde migratoire unique en Europe, puisqu’il affleure les 2.5%. « Pour répondre à cette demande, il faudrait construire entre 4500 et 5000 nouveaux logements chaque année, ce qui en l’état actuel des choses est difficilement réalisable. Nous sommes véritablement face à une difficulté à accélérer la cadence productive de construction de maisons et appartements », explique Julien Licheron. Ainsi, la crise n’a donc fait qu’accentuer le déséquilibre profond entre l’offre et la demande qui caractérise donc Luxembourg depuis plusieurs années. Une tension qui concerne également le secteur locatif, puisque nombreux sont les résidents qui envisageaient l’accession à la propriété à avoir mis en stand-by leurs projets d’achat de maisons ou d’appartements pour se reporter sur le locatif.

 

Pourtant si certaines villes sont saturées et ne peuvent plus – ou tout du mois très difficilement – accueillir de nouveaux habitants, à l’instar de Vianden ou de Esch-sur-Alzette, qui joue ses dernières cartouches avec le projet Rout Lëns, le pays se caractérise toutefois par une densité assez faible dans de nombreuses zones géographiques, et notamment dans le nord du Grand-Duché. « Le problème est que les terrains affectés à la construction appartiennent majoritairement à des personnes privées et que, comme la taxe foncière est quasi nulle au Luxembourg, ils ne sont pas incités à vendre. Pour nous, ce critère est vraiment déterminant dans le fait que l’offre ne croisse pas aussi vite que la demande le suggèrerait. Pour autant, le projet de réforme de l’impôt foncier, qui a été confirmé par le nouveau Gouvernement, pourrait bientôt permettre d’enrayer ce phénomène », poursuit Julien Licheron.

 

  1. Tendances récentes

 

Le Luxembourg a traversé en 2023 une phase conjoncturelle compliquée, qui se traduit notamment par une baisse significative du prix de l’ancien. Le neuf quant a lui a accusé une baisse moins forte, mais le volume de transactions a drastiquement chuté, passant à moins de 600 transactions enregistrées en 2023 pour tout l’ensemble du Luxembourg, quand on recensait 2500 à 3000 transactions par année avant la crise immobilière. « À court terme, l’enjeu sera surtout d’éviter que le secteur de la construction ne s’effondre, afin de pouvoir espérer retrouver en sortie de crise de la main-d’œuvre et des promoteurs immobiliers toujours sur pieds », souligne monsieur Licheron.

En 2024, on reste donc sur de l’incertitude quant à la conjoncture, en raison de la baisse conséquente de pouvoir d’achat des ménages, qui ne parvient pas à être enrayée par la chute des prix enregistrée en 2023 de 14.5 points en moyenne (jusqu’à 18 points sur les maisons). « Je pense que l’on peut concrètement espérer une reprise courant 2024, voire au premier trimestre 2025. La pierre angulaire de cette crise demeure les taux d’intérêts, et je ne pense pas qu’ils chuteront de manière significative. On ne retrouvera pas les taux d’avant la crise. Cependant, on constate qu’il y a d’ores et déjà une petite détente qui s’amorce. Les taux longs ont déjà baissé au premier trimestre 2024, cela concerne donc surtout les taux fixes pour l’instant, les taux variables devraient progressivement baisser également. Le marché de l’existant devrait reprendre ; je suis plus sceptique pour le neuf : parce que les potentiels acheteurs vont avoir le choix entre des maisons et appartements neufs et des biens relativement récents – moins de 10 ans – et qui coûteront peut-être 20% moins cher », affirme Julien Licheron. En outre, plusieurs facteurs ont également fragilisé le segment des VEFA (vente en l'état futur d'achèvement, ndlr.), à l’instar de la nette baisse de l’attrait des logements neufs pour les investisseurs locatifs en raison, toujours, de la hausse des taux d’intérêt, ou des incertitudes sur le prix futur des biens en VEFA, en raison de l’indexation sur les prix de la construction.

 

  1. Les facteurs d’influence

 

Sans surprise, le premier facteur d’influence sur le marché immobilier luxembourgeois à l’heure actuelle demeure les taux d’intérêt. « On a pu voir, par l’expérience naturelle, que le taux avait des conséquences absolument énormes sur le pouvoir d’achat. On dit d’ailleurs qu’un point de taux en plus, c’est 10% de capacité d’achat en moins », argumente Julien Licheron.

 

Autre point d’attention, la demande qui pourrait sérieusement pâtir de la crise du logement que connaît le Luxembourg. Les coûts exorbitants – qui sont à présent les mêmes que dans des capitales comme Paris ou Londres – deviennent de plus en plus un problème pour l’attractivité et la compétitivité du Grand-Duché.

Pour ce qui est du locatif, enfin, heureux sont ceux qui ont signé leur bail il y a plus de 10 ans : non seulement les loyers d’alors étaient très attractifs, mais ils n’ont subi qu’une hausse très faible durant la dernière décennie. En revanche, les loyers pour de nouveaux contrats de location augmentent actuellement quasiment au même rythme que l’inflation. »

 

Sur le même sujet :

Tendances émergents sur le marché de l’immo – Le neuf au Luxembourg en 2024